Mercredi
26 juillet 1967 - Edition spéciale du Journal de Montreux
Frédéric
Rouge, témoin de son pays
En cette année
1967, le petit village d'Ollon, situé en amont de la route du Valais,
à la sortie d'Aigle, fête le centième anniversaire
de la naissance de Frédéric Rouge, un peintre bien Vaudois,
décédé en 1950.
A l'occasion de cet anniversaire, et en signe d'hommage à un artiste
qui leur était cher,- ses concitoyens ont organisé une grande
exposition rétrospective de son oeuvre. Elle sera ouverte durant
tout l'été. Sans être un artiste de génie,
Rouge peut être considéré comme un témoin de
son temps. Grand amoureux de la nature, connaissant bien les moeurs des
gens de ce coin de pays, il s'est efforcé de traduire sur la toile
le caractère propre de tout un peuple, de toute une époque.
Comme les gens du pays, les étrangers de passage, désireux
d'apprendre à connaître les coutumes ancestrales de ce canton,
prendront plaisir à visiter cette exposition.
Alphonse Mex, homme de lettres de la région, a bien connu Frédéric
Rouge. Il nous présente ici l'attachante personnalité de
ce peintre.
Frédéric
Rouge naquit à Aigle. le 27 avril 1867, dans la maison du "
Bourg " où se trouve aujourd'hui la Coopérative. Ses
parents étaient des maîtres cordonniers qui occupaient à
la fabrication des chaussures un personnel relativement nombreux. Il fit
ses études secondaires au collège de la ville où
il fut le camarade d'autres Aiglons devenus célèbres : Jules
Amiguet, Gustave Doret et Samuel Cornut. Celui qui devait être le
grand peintre figuratif des Alpes vaudoises manifesta dès son enfance,
pour le dessin, des aptitudes remarquables qu'il tenait, a-t-on dit, de
sa mère.
L'Ecole
des Beaux-Arts
Le jeune homme suivit pendant une année l'École des Beaux-Arts
de Bâle d'où il sortit premier. Après un stage chez
le peintre Vigier, peintre d'histoire, à Soleure, il vint s'installer
chez ses parents qui avaient entre temps remis leur commerce à
leur fils François. Son père lui arrangea un atelier dans
une galerie située derrière le bâtiment de la laiterie
de la rue du Collège. Pour compléter sa formation, le peintre
passa trois hivers consécutifs à l'Académie Julian,
à Paris, "où le maître Boulanger, exigeant et
bourru, se montrait difficile à contenter". "En ce temps-là,
Eugène Burnand, déjà connu, tenait salon dans la
grand-ville, tandis que Frédéric Rouge et Samuel Cornut
gelaient dans une mansarde."
Les lauriers de
la vogue
Artiste probe et consciencieux, Frédéric Rouge a été
peiné de se sentir peu soutenu alors que des novateurs épaulés
récoltaient les lauriers de la vogue. Il eut heureusement des admirateurs
et des amis dévoués. Il eut aussi la grande satisfaction
de se voir conférer le 5 mars 1942 - en même temps que le
compositeur Gustave Doret - la bourgeoisie d'honneur d'Aigle, sa ville
natale.
Ollon : terre de
prédilection
Frédéric Rouge s'était fixé à Ollon
en 1903, dans cette riante propriété des Cèdres.
Ollon, le grand village dans les vergers " où le soleil dort
en rond dans le creux des vignes ", où les forêts sont
profondes et giboyeuses, où la poésie de l'Alpe est souveraine.
Ollon était le lieu rêvé pour un tel homme. Et l'on
peut dire que cet homme a aimé totalement la contrée qui
lui a donné tant de sujets d'émerveillements et dont il
a si bien exprimé sous les couleurs du temps les décors
et les états d'âme.
Atteint de paralysie, Frédéric Rouge s'est éteint
le 13 février 1950. Ce Vaudois modeste fut un parfait honnête
homme et un grand artiste qui; toute sa vie, voulut rester lui-même
et se comporta en citoyen épris de liberté, ce qui n'est
pas précisément le moyen d'arriver à la fortune,
même quand on a du talent !
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