Frédéric Rouge

(1867 - 1950)

Les Cèdres

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Les Cèdres par Liliane Favre-Rouge, fille du peintre.

De la plaine, en 1870, Ollon se présente comme un énorme bouquet blanc, fleuri de ses vergers renommés dans tout le canton. Les voyageurs passant le Simplon admirent cette plaine du Rhône, sauvage encore, et bordée par des montagnes s'élevant d'un coup, semble-t-il, de la plaine à leurs plus hauts sommets, telles les Dents de Morcles et celles du Midi.

C'est en le découvrant ainsi que Monsieur Pick, un Alsacien n'ayant pas l'intention de rester dans son pays à cette époque, décide d'y construire une villa. Des bains de Lavey où il séjourne, il se rend au village, admire la vue depuis les vergers, prend contact avec le propriétaire du coin et lui achète une "pose" complète (4500 m2) pour bâtir sa "maison d'été". L'hiver, c'est en Afrique du Nord que M. Pick se rend.

L'architecte est Vaudois: M. Bezencenet de Lausanne. C'est le beau-frère de M. Pick. Il active les travaux, fait d'abord creuser des caves très profondes qui seront voûtées. Les murs sont en pierres de St.Triphon. Les encadrements des fenêtres sont en marbre du même lieu. Les toilettes seront sommaires et il n'y a pas d'eau courante. Une citerne récoltant l'eau du toit en ardoises est installée dans la cour: Elle est profonde de 3 à 4 m. et émerge d'un bon mètre au-dessus du sol. A l'entrée de la maison, à gauche, se trouve une pompe avec une gueule de gargouille. La citerne est vaste, arrondie du côté de la cour. Elle a la forme d'un éventail. Contre le mur, il y a une sorte de bassin qui la dépasse d'environ 80 cm. Quand on ouvre un couvercle, il s'y trouve du charbon et des pierres: c'est le filtre de l'eau venant du toit. C'est la seule eau potable de la maison pendant longtemps. Une petite porte s'ouvre sur le flanc de la citerne: par là, on puise aussi l'eau avec une grande puisette emmanchée, un "goum" !

Les eaux usées partent, celles de la cuisine dans un puits au jardin, celles des toilettes dans un autre puits, dans la cour !

A l'intérieur de la maison, les chambres ont des noms de couleurs: la rose, la bleue, etc ... parce qu'elles sont garnies de tentures différentes. En bas, se trouvent la cuisine, la salle à manger et un salon. M. Pick, parait-il, avait installé sa chambre à coucher (qui se camouflait la journée) dans l'alcôve qui se trouve de la salle à manger et il avait un petit cabinet de toilette à côté... En haut, il y a un grand salon et plusieurs chambres d'amis.

Pour le chauffage, M. Pick fait venir d'Alsace des fourneaux de faïence typiques. De toute façon, il ne fait pas beaucoup de frais pour cela puisqu'il passe ses hivers ailleurs...

Comme dépendances de la maison, pas question de chambres à lessive ou autres (comment la faisait-il ?) mais une écurie et un fenil. M. Pick se déplace avec cheval et voiture. Quand il part l'hiver, que fait-il de son cheval ? Il le met chez un paysan, probablement...

M. Pick est accompagné d'un valet de chambre, Féréol, et d'une cuisinière. Personne ne sait quelles sont ses occupations, mais il sait donner des ordres, par contre. Il s'occupe passablement du jardin qu'il fait créer par un jardinier. Tout est planté à profusion. Au bout de quelques années, c'est presqu'un jardin exotique. La pente, en lisière de la proprieté, est relevée par les déblais provenant de la cave. La terre n'y est pas fameuse et les arbres plantés là ne sont pas d'un bon rendement. La première plantation d'ailleurs est faite de platanes. M. Pick sort de la propriété du côté est sur la Grand-Vy. L'autre côté, oh ! il y a un petit portait conduisant à la maison entre deux haies de rosiers grimpants.

D'après les personnes qui ont connu M. Pick, celui-ci était très sociable, recevait passablement et voyageait beaucoup. Ses nièces, Mmes Herman (femme d'un médecin français) et Gaulis (femme du peintre) venaient en vacances aux Cèdres, mais ne se sont pas intéressées lorsque la propriété a été à vendre. Longtemps après, elles venaient admirer les cyclamens plantés par leur oncle... et regrettaient la "verrue" que faisait l'atelier construit à la place des allées de roses!

Marguerite, la jeune épouse du peintre, au fond du jardin...

Le "petit portail" si souvent emprunté par Frédéric Rouge, ici vers la fin de sa vie, pour se rendre au village ou à la gare d'Ollon...

 

En effet, en 1902, la propriété était à vendre. Frédéric Rouge, étant à l'étroit dans son petit atelier d'Aigle, décide d'acquérir ce site merveilleux! Il le fait avec son demi-frère Sami qui est veuf. La maison a été laissée à l'abandon. Le toit est percé, l'intérieur a été complètement dégarni de ses tentures. Le jardin est envahi d'une végétation telle que toute allée a disparu. Il faut tout mettre en ordre, c'est un travail harassant. Et puis, construire un atelier. Enfin, tout est terminé et nos deux hommes entrent dans leur maison, avec armes et bagages (au propre) et leurs chiens de chasse. Pour eux encore, ils ont fait faire un chenil (à l'entrée ouest).

Frédéric, mon papa, a perdu sa mère quelque temps avant et Sami sa femme. Ils croient fermement que ça va aller comme ça... C'est compter sans le hasard qui fait que Marguerite Tauxe entre dans la vie de papa. Une soirée de l'Helvétienne, maman jouait la comédie et papa, vieux garçon de 36 ans qui se croyait trop dommage pour se marier, tombe amoureux de cette jeunette de 19 ans ... Et voilà!... Le 9 mars 1905, mariage et pertubations dans la maison...

Quand maman va mettre un peu d'ordre dans la maison, les chiens de chasse se trouvent sur les lits. Tout le reste est à l'avenant. Le premier repas, les chiens sont autour de la table et bavent. Maman demande que ces grands chiens de chasse soient mis au chenil pendant les repas au moins. La petite mariée de 20 ans a beaucoup de soucis dans ce nouveau domaine ! Le téléphone et le télégraphe (c'était son métier) ne l'avaient pas très bien préparée pour cette vie si différente !


L'atelier construit par Frédéric Rouge

Le premier dimanche, Frédéric part promener avec "Coupe-Bise", son copain de toujours. Maman, indignée, lui demande s'il s'est marié avec elle ou avec lui. Dès lors, le couple fera ensemble de grandes randonnées. Papa, qui avait un peu abandonné ses pinceaux depuis la mort de sa mère et l'achat de la propriété, reprend ceux-ci et peint maintenant pour... deux. Beaucoup de portraits à Lausanne et maman est souvent seule.

Mais Sami n'est guère content de cette solution. Il croit tomber aussi sur un bon numéro et ramène de Genève celle qui fut le trouble fête de maman pendant les premières années de mariage. C'était "Tante Dada"! Je ne sais pas son autre nom. Elle n'était plus très jeune, jalousait maman, insultait son mari qui voulait la passer par la fenêtre, criait, hurlait et, pour finir, laissa tout tomber et repartit. À ce moment, oncle Sami revendit sa part de maison à Frédéric et repartit pour Aigle ... C'était donner double souci à mes parents, seulement la paix était revenue...

Les Cèdres en 1907, Frédéric et son demi-frère Sami.

 
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