Et
d'autres encore (page 4) :
LECTURES
DU FOYER No 51 du 19 décembre 1925, page 1209 et suivantes
Le
peintre vaudois Frédéric Rouge, né à Aigle
le 27 avril 1867, suivit les cours du collège de sa ville natale
jusqu'à l'âge de 16 ans, puis entra à l'École
des Beaux-Arts de Bâle dont il sortit premier après une année
d'études, révélant déjà les plus artistiques
dispositions. Après un stage de quelques mois chez le peintre d'histoire
Walther Vigier, à Soleure, il alla résider pendant trois
hivers à Paris où il suivit les cours de l'Académie
Julian. Il fit également un séjour à Florence, pour
se mettre en contact avec les maîtres italiens.
Frédéric Rouge est, par-dessus tout, un enfant de la terre
vaudoise qu'il adore et dont il a saisi et reproduit tous les aspects
et tous les types avec une vérité et un art saisissants.
Grand chasseur et pêcheur, il connaît son pays, plaine et
montagnes, lacs et glaciers, comme pas un, et ses randonnées à
la poursuite du gibier sont en même temps l'occasion de saisir la
nature dans ses plus délicates manifestations.
Son oeuvre est considérable, puisque, dans une de ses expositions,
il a réuni plus de soixante-dix tableaux et dessins. Aussi cette
oeuvre a-t-elle reçu, à plusieurs reprises, de flatteuses
consécrations officielles qui sont un hommage mérité
à un effort artistique des plus intéressants. Un pays s'honore
lui-même en honorant des artistes comme Frédéric Rouge.
La Confédération lui a acheté un grand Portrait de
son père qui est placé à la Salle du Conseil, à
Lugano, et un tableau Captif; le Musée de Schaffhouse a acquis
les Bouleaux; la Ferme vaudoise, legs de M. Moosbrugger, est au Musée
de Fribourg.
L'Etat de Vaud a acheté également plusieurs de ses tableaux,
actuellement au Musée de Rumine: Le retour du bûcheron",
L'enfant des bois, Les fées de Nairevaux, Une agonie dans les Alpes,
Chevaux dans la plaine du Rhône et un dessin Bûcheron. Le
Musée Jenisch, à Vevey a acquis Le braconnier, considéré
comme une de ses meilleures toiles.
Rouge est un homme heureux, s'il en fut au monde, car il vit librement
dans son beau pays qu'il aime au-dessus de tout et qui lui inspire des
toiles charmantes. La renommée est venue, récompensant son
effort et lui permettant de vivre de son pinceau, dans l'ivresse sainte
de l'art en lequel il excelle et dont il accomplit les rites avec cette
facilité et ce naturel qui sont l'apanage des grands artistes.
Voici, pour compléter cette courte étude, quelques extraits
des journaux concernant l'uvre de Frédéric Rouge:
Gazette de Lausanne: Un nouveau tableau de Fr. Rouge. "Il est intitulé
la Mare et se trouve exposé dans une des vitrines de la Librairie
centrale. Sujet: Le massif du Muveran; au premier plan, un étang
bordé d'arbres. Cela a été pris quelque part, au
fond de la plaine du Rhône, dans ce pays qui est celui du peintre,
et d'où, partout, on voit les Alpes et le lac. Et c'est exquis!
On retrouvera dans cette toile toutes les qualités qui sont celles
de Rouge: la pré-cision à la fois, la fermeté et
la robustesse de l'artiste qui connaît à fond les procédés
de son métier, et puis, l'intense poésie qui, à son
appel, s'est dégagée du sujet traité. F. Rouge a
cette probité des grands peintres qui savent exprimer toute la
profonde beauté du modèle choisi, en s'effaçant eux-mêmes
derrière leur oeuvre.
Il y a longtemps que Rouge est un de nos beaux peintres; mais plus il
va, plus il sait condenser et approfondir sa vision en la simplifiant,
en délaissant l'accessoire pour ne plus voir que l'essentiel. J'aime
L'enfant à l'écureuil et Le bûcheron, qui sont des
anecdotes singulièrement vivantes; mais j'aime encore mieux cette
Mare, où il n'y a plus rien autre que de l'eau, des arbres et de
la montagne, mais où transparaît et s'affirme l'âme
même d'un paysage et d'une contrée.
Ce tableau est une vivante strophe de plus à la gloire du merveilleux
pays dont F. Rouge est un des poètes les plus pénétrants
et les plus justement aimés. On le regarde un moment, puis on se
dit: "Comme c'est ça! Le beau peintre!" Au bout d'un
second moment, involontairement, on ajoute: "...Et le brave homme!
"
De la Feuille d'Avis du district d'Aigle:
"Une bonne nouvelle pour les amis du peintre Rouge: une exposition,
ouverte au Musée Arlaud jusqu'au 26 octobre, réunit une
septantaine de ses oeuvres. La plupart de ces tableaux, gracieusement
prêtés par leurs propriétaires, n'avaient encore jamais
été exposés.
Qui donc a prétendu que F. Rouge était un doux rêveur
qui perdait son temps à flâner sur la montagne? Une visite
à cette exposition détruira cette légende; c'est
toute une vie de travail qui vous apparaît. Certes, Rouge aime la
montagne avec passion, et cela éclate dans son oeuvre: une haute
cime incendiée par le soleil couchant, alors que la vallée
s'endort dans l'ombre violette; un lac des Alpes, vrai saphir enchâssé
dans le vert des pâturages; un tranquille hameau, dont les toits
fument à l'heure du café, toutes ces choses ont été
rendues avec une sincérité qu'on ne rencontre pas toujours
dans la peinture moderne.
Mais Rouge restera surtout un grand portraitiste et c'est dans ce domaine
qu'il faut chercher ses chefs-d'uvre. Ses armaillis, ses bûcherons,
ses chasseurs sont de chez nous, et nous poussons un cri d'admiration
en les reconnaissant. Notre peintre a été mêlé
à la vie de ces gens simples; il s'est souvent assis à leur
foyer. Il les a compris, parce qu'il les aimait. Aussi est-il un de ceux
qui ont le mieux pénétré l'âme vaudoise.
Frédéric Rouge est un artiste aussi modeste que consciencieux.
Il fait honneur à la belle contrée qu'il habite. Le pays
est fier de lui."
De La Revue de Lausanne:
"Non, je ne veux pas avoir l'air de vouloir raconter Frédéric
Rouge, le si sympathique poète de la vallée du Rhône
et des Alpes vaudoises ! Il est homme de ce pays plus qu'aucun autre homme
de ce pays. Le canton de Vaud, c'est lui, et sa galerie de délicieuses
têtes du cru, avec ces grosses moustaches farouches, vous savez,
qui cachent de si bons sourires, prêts à sortir, et ces jolies
filles aux yeux bleus, qui se trouvent, comme par hasard, sur le passage
des beaux artilleurs. F. Rouge, c'est le plus grand artisan de la nostalgie
vaudoise; à l'étranger, c'est un de ces types qui vous feraient
pleurer de mal du pays! Ah! le joli, le bel artiste et comme on est heu-reux
de l'avoir et comme on est content d'aimer et d'habiter le même
canton que lui!"
Les journaux français ont également publié des articles
très élogieux sur les oeuvres de F. Rouge, entre autres
sur le portrait d'Urbain Olivier, exposé au Salon de Paris, en
1887, et dont nous publierons la reproduction prochainement.
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