Maintenant qui
était Juste Olivier ? ("Construire"
No 10 du 8 mars 1978)
Juste Olivier
tenait de son père un sentiment austère du devoir et de
sa mère une sensibilité facilement attristée et le
tour particulier de son imagination. Il suivit les cours du collège
de Nyon et son amour des livres le poussa très tôt vers une
carrière intellectuelle. De fait, il entreprit des études
théologiques à Lausanne pour lesquelles ses parents s'imposèrent
de très grands sacrifices. Toutefois, encore adolescent, il parvint
à suffire lui-même à ses dépenses, en donnant
des leçons.
Il devint le chantre attitré de la Société de Zofingue
et se mit à collectionner les prix poétiques dans les concours
académiques. C'est en ce temps-là que s'éveilla chez
lui le sentiment d'une vocation de poète.
Après avoir poursuivi avec sérieux ses études théologiques,
il renonça finalement à la carrière de l'Eglise.
A vingt-deux ans, il fut élu, après concours, professeur
de littérature et d'histoire au gymnase de Neuchâtel, mais
à une condition: faire d'abord un séjour de six mois à
Paris, ses honoraires lui étant payés durant ce stage.
Ce séjour parisien marqua sa vie. Il suivit les cours de la Sorbonne
et du Collège de France. Il vit de près les représentants
du romantisme, alors à son apogée. Il se lia étroitement
avec Sainte-Beuve, qui séjournera d'ailleurs chez lui à
Eysins. Après trois mois, il revint en Suisse, plus attaché
que jamais à son pays.
Une chaire à
Lausanne
Il enseigna durant presque trois ans à Neuchâtel, obtenant
un reél succès. Il s'y maria avec une demoiselle d'Aigle,
Caroline Ruchet, elle-même poète et écrivain au délicat
talent.
Il revint alors à Lausanne, où lui fut confiée une
chaire d'histoire, qui n'existait encore qu'à titre provisoire
(la jeunesse lausannoise l'adopte immédiatement comme un de ses
enseignants de choix). Il anima conjointement un organe littéraire,
la Revue Suisse, dont il fut un temps le propriétaire et le rédacteur
et à laquelle collabora Sainte-Beuve par sa "Chronique parisienne".
Juste Olivier eut là une periode de production féconde et
de travail joyeux. Mais, en 1845, la révolution vaudoise vint brutalement
changer son existence. Après avoir hésité entre divers
projets, il résolut de se fixer à Paris avec l'espoir de
se livrer à une activité littéraire fructueuse. Malheureusement,
la révolution de 1848 remit à nouveau tout en question pour
lui. Devant tant de difficultés, il songea à émigrer
aux Etats-Unis, où l'appelait Agassiz.
Vinrent des moments meilleurs. Il fut notamment maitre de conférence
dans une école d'administration qui devait être rattachée
au Collège de France. Il retourna définitivement à
l'enseignement et eut une période d'intense réflexion qui
se traduisit par une production littéraire célébrant
la famille, la nature, Dieu et la patrie et disséquant la lutte
implacable de la conscience avec l'egoïsme.
Conférencier
et père de la poésie nationale
Eclata la guerre de 1870. Juste Olivier séjournait alors en Suisse
avec sa famille. Ne pouvant rentrer à Paris, il y liquida ses affaires
et se retira à Gryon-sur-Bex. Soucieux de son indépendance,
il se fit conférencier dans les villes de Suisse romande. Ses exposés
étaient moins des cours que des causeries très travaillées
sur des sujets qui l'avaient toujours préoccupé. Certaines
de ses conférences furent faites entièrement en vers...
Les derniers moments de sa vie furent pénibles. A la maladie s'ajouta
peu a peu une tristesse profonde et comme un doute de la poésie qu'il
avait tant aimée. II s'éteignit à Genève le
7 janvier 1876 à l'âge de 69 ans et fut inhumé à
Nyon.
Rien ne le qualifie mieux que ces paroles de Ch. Berthoud (un de ses condisciples):
"(...) C'est comme poète qu'il survivra dans la mémoire
de ses compatriotes (...) Il a montré qu'une poésie nationale
n'était pas une ambition trop haute pour une petite patrie; poète
lyrique, il a donné une voix au patriotisme et aux souvenirs de notre
histoire (...)". |